Sur les traces de Maurice d’Irisson, témoin de l’expédition de 1860
Conférence de Yves Livian
2009: deux têtes d’animaux en bronze, un rat et un lapin, appartenant à Pierre Bergé sont vendues chez Christies. Un groupe d’avocats chinois tente de s’opposer à la vente, qui sera finalement annulée pour d’autres raisons. Cet évènement réveille des souvenirs douloureux: en effet, ces deux objets précieux font partie des douze têtes signes du zodiaque qui ornaient une fontaine dans le palais d’été de l’Empereur de Chine dévasté par les troupes franco-anglaises lors de l’expédition de 1860. De temps à autre, des objets de même provenance surgissent dans des ventes. Pas étonnant, puisqu’on estime à plus d’un million les objets de toutes sortes (laques, tentures, vêtements, meubles, pièces d’or, porcelaine…) dérobés les 7 et 8 octobre 1860, après la «victoire» de Palikao (nom d’une rue à Paris, dont tout le monde a oublié l’origine).
La conférence, assortie de lectures de textes , nous fait suivre cette aventure, sur les pas d’un jeune interprète français qui racontera 26 ans plus tard les gloires et les hontes de cette histoire.
L’émerveillement devant le Palais (textes lus par Jean-Louis Énée), l’incroyable mêlée du pillage, les ventes sur place (y compris par les coolies chinois), le traité extorqué par les deux puissances européennes et les nombreuses ventes aux enchères qui se succéderont par la suite.
Un cabinet chinois (encore visitable aujourd’hui) est crée au château de Fontainebleau pour accueillir les objets donnés à Napoléon III. A Londres, le Victoria and Albert Muséum, entre autres, contient des richesses chinoises issues de la même source.
Au retour, l’opinion publique est choquée par l’ampleur des pillages et les bénéfices qu’en tirent des soldats et des officiers. L’opération est une victoire militaire et diplomatique, mais une défaite morale qui va handicaper pour longtemps les relations avec la Chine.
Le mot de la fin sera donné par Victor Hugo, dans une lettre (lue par Marie Françoise Touraine) où il exprime avec une fureur indignée tout le mal qu’il pense de cette affaire.
En cette année 2024, où l’on célèbre les 60 ans des relations avec la Chine par un programme ambitieux d’échanges culturels (deux expositions de Versailles à Pékin, deux expositions spéciales au Musée Guimet de Paris) il n’était pas inutile de rappeler que la découverte de l’art et la constitution d’un patrimoine venant de pays lointains sont parfois passées par des chemins douteux. Cela ne peut que renforcer l’envie d’échanges riches et fructueux pour toutes les parties.
Au fait: les deux têtes d’animaux ont été redonnées à la Chine à l’occasion d’un voyage présidentiel.