Rencontre avec Mohamed Amara

Terrorisme ,coup d’État, sécheresse: où en est le peuple malien ?

Rencontre organisée par l’ACAP le 18 avril 2024

Mohamed Amara est professeur de sociologie à l’Université de Bamako et chercheur au Centre Max Weber (CNRS) de Lyon. Il écrit des éditoriaux dans la presse malienne et a publié deux ouvrages sur son pays « Le Mali rêvé » en 2015 et « Marchands d’angoisse » en 2019 qui vient d’être réédité.

Il avait participé à notre débat sur les restitutions d’objets africains en 2019, suite au rapport Savoy-Sarr et son témoignage est toujours précieux.

Interrogé pour commencer sur la situation sécuritaire, il a répondu en relatant un fait que la presse ne peut pas transmettre : l’accident d’un avion transportant des troupes maliennes et des milices Wagner, ayant fait de nombreux morts.. Même les radios locales, en langues vernaculaires ne peuvent que transmettre les communiqués officiels. Des journalistes sont arrêtés.

Le Centre et le Nord du pays, dont est originaire notre ami, sont soumis à des exactions qui s’apparentent davantage à du trafic et du vol qu’à une motivation purement religieuse. D’où l’appellation employée par M. Amara de « narcoterroristes ». Les villageois et les femmes sont des victimes sans défense. La présence militaire russe assure la sécurité des bâtiments officiels mais ne permet pas de lutter contre les terroristes du Nord. Elle a de plus un but économique : assurer la prédation de ressources notamment minières.

Cette insécurité, et la politique du gouvernement, ont favorisé le retour de vieilles querelles, que l’on croyait éteintes, entre peuls et dogons. Chacun s’arme et des prédicateurs attisent le conflit. La société civile est peu réactive et divisée. De toutes façons, la junte militaire vient de suspendre le 10 avril 2024 tous les partis et associations ayant un rôle politique. Un dialogue inter-malien a bien eu lieu mais les Touaregs en sont exclus, et donc les accords signés à Alger sont devenus caducs.

Le gouvernement français a sous-estimé l’influence russe et a été surpris par les décisions du gouvernement militaire, malgré la réussite de Serval en 2013 mais qui n’a pas débouché sur une amélioration suffisante.

M. Amara aborde enfin la fermeture de nombreuses écoles et la déshérence de nombreux jeunes. En réponse à une question, il précise que la situation des manuscrits de Tombouctou est satisfaisante et qu’ils font l’objet de restaurations.

Le tableau ainsi dressé, par un observateur bien informé, concret et mesuré, ne peut qu’inquiéter les nombreux amis de ce pays.

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