Les Sénoufo et le végétal: de l’utile au rituel

Conférence du 19 octobre 2023 par Pierre Boutin

Les Sénoufo forment une population d’environ 250 000 personnes réparties inégalement sur quatre états (Sud Mali, Burkina Faso, Nord Côte d’Ivoire et Ouest du Ghana ). Notre ami Pierre Boutin, SMA, ancien directeur du Musée Africain de Lyon a vécu chez ceux du Nord de la Côte d’Ivoire. Leur économie traditionnelle est essentiellement rurale, cultivant le riz, le mil, l’igname, le maïs et plus récemment le coton.

L’utilisation que les Senoufo font de leurs produits végétaux oscille entre l’usuel et l’exceptionnel, en passant par le permis, le prescrit et l’interdit. L’enquête réalisée par P. Boutin dès les années 80 additionne à ses propres repérages les connaissances de dizaines d’informateurs qui se combinent sans que l’un ou l’autre ne puisse prétendre aboutir à la connaissance intégrale de toutes les espèces. (P. Boutin ne traite pas dans cette conférence de la pharmacopée, qui mériterait une autre étude)

Les dénominations, nous prévient P. Boutin, sont mouvantes, entre celles données par le colonisateur (français ou européen), et celles du langage local mieux vaut donc se référer si possible au nom scientifique en latin.

Usages Agricole

D’abord les «usages agricoles » Micricarpium, Isiberlinia doka ont un usage connu à proximité des terres cultivées : des feuilles introduites dans la cheminée d’aération des buttes d’ignames, pour pallier à l’échaudage et au pourrissement du semanceau ; de plus les feuilles coriaces de Daniela oliveri éloignent les termites. D’autres assurent le traitement antifongique des boutures fragiles, jusqu’à leurs reprises. Faidherbia albida (MIMO) qui garde son feuillage en saison sèche, et le perd en saison des pluies, améliore les sols en l’enrichissant en azote , la présence de dix arbres par hectare rend possible la culture permanente de la parcelle Leucena leucocephalata nommée (KI) l’arbre de la ‘bonne terre’, enrichit le sol en humus .

Objets-matériel culinaire ou agricole

Afzelia africana- Bois dur pour sculpter cuillers et tabourets

Periscopis laxiflora Pour sculpter manches d’outils et pilons de cuisine.

Vitellaria paradoxa « karite » Est utilisé pour tailler , pilons, mortiers et auges.

Grenvia pubescens (Tili) Ses fibres au contact de la bière de céréales, provoque la précipitation des impuretés.

Ecorces et fibres tréssées

Antiaris africana Fournit une écorce battue (tapa).

Grewia flavescens L’écorse sert à lier les toits de greniers

Lannea microcarpia en zone soudanaise est lui aussi utilisé, tissé en cordage.

Piliostigmarecticulatum et Peliostigma thoninigii servent à lier les tiges des cages à poules et les chevrons des toitures de paille, comme les lianes de Saba sénégalaises.

Phoenix dactilyfera Au Sahel, les feuilles sont croisées pour confectionner des paniers et les fibres des tiges sont tissées en cordage.

Saba florida Collecté dans le bois sacré, il sert à cercler les toits de grenier.

Fibres textiles

Elles ne relèvent que de quelques familles par exemple les Tiliacées.

Le chanvre Cannabis sativa a été cultivé de manière industrielle pour la corderie, et la confection de sacs , avant que la fibre naturelle ne soit supplantée par les synthétiques. Cultivé subrepticement , dans des lieux reculés comme stupéfiant.

Corchorus capsularis ‘’jute rouge ‘’ Fumé comme drogue.

Hibiscus cannabinus ‘’kenaf’’ Son écorce fournit des liens pour attacher les toits des maisons , aussi fumé comme drogue.

Colorants

Annogeisus leixcarpus Décoction de feuilles ,donne une teinture utilisée pour les tissus ‘’ teints à la bor ‘’, (dits bogolan), et pour petites pièces en bois, la teinte jaune brun vire au noir quand elle est recouverte de boue à laquelle a été ajoutée des scories de fer.

Piliostigma thoninigii Donne une teinte rouge orangé.

Piliostigma recticulatum La racine fournit un colorant rouge. Les graines et gousses fournissent un colorant bleu sombre, carbonisées la teinte devient noire.

Elaeisguinéensis Fournit une huile à usage alimentaire .

Ximenia americana également alimentaire. .

Adjuvants du mortier

Le mucilage d’écorce de Grewiamollis est le plus fréquent.

Kigelia africana adjoint au crépi intérieur des greniers éloigne termites et vrillettes.

Eléments d’architecture

Tectona grandis Sert à tailler poteaux et poutres de bâtiments civils.

Periscopis taxiflora Choisi pour supporter les toitures des ‘apalam’ circulaires.

NB : Liste écourtée, non exhaustive ! Fera l’objet d’un second texte !!

Instruments de musique

Cussonia arborea Les branches servent à tailler les touches des xylophones joués par les enfants gardiens des cultures des bas-fonds.

Kaya senegalensis Sert à sculpter les tambours mortiers.

Ceilia pentendra Sert à sculpter les  longs tambours funéraires.

Liste écourtée, non exhaustive …

Réceptacles de culte

Daniellia oliveri, Berlinia grandiflora sont régis par des interdits requièrent des sacrifices(libation, sacrifice d’animal ).

Milicia regia et chlorophora exelsa deux espèces dénommées ‘’Iroko’’, sont protégés, interdit de coupe.

Usage rituel ou initiatique

Sujet trop rapidement parcouru par manque de temps.

Idem « Artisanat d’art et usages restreints »

Ils feront l’objet d’un second texte à paraître .

Conclusion

(extrait) Dixit Pierre BOUTIN : << Ce parcours peut donner un aperçu trompeur… Les connaissances botaniques exposées ici se répartissent entre les recettes populaires et les spécialités clandestines dont on a bien voulu me faire part>>.

Cette conférence savante, sans prétention à l’exhaustivité, montre bien l’étendue de la « science » détenue par ces populations, qui ont repéré au fil du temps une infinie variété d’espèces et en ont élaboré de nombreux usages. Si une civilisation se mesure à son rapport à la Nature, nul doute que nous avons ici affaire avec les Senoufo à un exemple remarquable.

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