Le Surréalisme et les Arts Premiers: Voyage autour de paradoxes.

C’est à un parcours historique passionnant que nous a convié Gilles Sournies, adhérent de notre association l’ACAP, dans sa conférence du 07 novembre 2019 à l’hôpital privé Natecia.

Le fil conducteur a été la figure d’André Breton, artiste engagé, curieux de découvertes multiples, personnage aux multiples facettes.

Le premier paradoxe est celui du révolutionnaire, ami de Trotsky, devenu un « pape » autoritaire du mouvement surréaliste. Des ruptures, oui, mais dans l’ordre. L’art doit être indépendant et servir la cause du peuple….mais Breton déteste les anarchistes !

Le deuxième réside dans la rupture affichée avec le classicisme….

mais quand on regarde le tableau « la toilette de la mariée » de Max Ernst (ci-contre à gauche), on est frappé par ses aspects classiques, même si l’on voit au premier plan une cape de chef hawaïen.

Une savante comparaison avec le tableau de Van Eyck « Epoux Arnolfini » (ci-dessus à droite) montre des similitudes troublantes de composition.

G.Sournies souligne au passage que l’attrait pour les civilisations lointaines porte surtout sur l’Océanie et les amérindiens : dans la carte du monde surréaliste, l’Afrique est quasi-absente…..Ils veulent être les premiers à découvrir de nouvelles cultures, l’Afrique, c’est déjà fait….Picasso s’y est intéressé dès 1900.

Autre paradoxe autour de l’anticolonialisme et du marché de l’art. Le bureau de Breton (visible au Centre Pompidou) révèle l’ampleur et la variété de ses collections d’art « primitif ».

Les surréalistes s’intéressent à l’hypnose, aux rêves, aux talismans…Ils achètent des objets sur le marché de l’art, fréquentent les galeristes, et certains ne sont pas hostiles à faire des bénéfices à la revente…En même temps, Breton (et Aragon) sont les premiers militants anticolonialistes : ils organisent une contre-exposition coloniale en 1931 et diffusent des vignettes réclamant l’indépendance de l’Indochine !

Pendant son exil américain, Breton collectionne aussi les poupées Hopi.

Enfin, notre ami fait part de son trouble quand il découvre qu’à la fin de sa vie, Breton s’est intéressé à la numismatique gauloise. Breton identitaire, à la recherche de racines anciennes ? Plus vraisemblablement, c’est le fait qu’il s’agisse d’une civilisation oubliée, qui attire Breton, l’inlassable découvreur ….

Pour compléter, G.Sournies nous propose quelques références complémentaires :

C.Flubacher (dir) Surréalisme et arts primitifs. Un air de famille. Fondation P. Arnaud, 2014.

Ph. Sabot Primitivisme et surréalisme, Méthodos, 3,2003

Leclercq (autrice d’une thèse sur la question) L’appropriation surréaliste des objets d’art « indigènes », Arts et Sociétés, 23/11/2006

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